C’était le 4 juillet 2014, une inondation centennale !? a touché le pays basque, nous a touchés.
Nous n’avions pas d’alerte orange dans notre département signalée. La veille au soir , nous partagions tranquillement un verre avec des amis, des parents ( début des vacances des enfants, fin d’année). Nous étions dans leur terrasse couverte. Nous entendions la pluie . A ce moment là, c’était de la bonne pluie car les cultures en avaient besoin pour profiter. Nos tomates, blettes, salades, courgettes, concombres, haricots verts, haricots blancs, aubergines, citrouilles, carottes, betteraves, piments doux et piments d’Espelette acceptent avec plaisir la bonne pluie car ils sont en pleine croissance et fructification. Les pommes de terre sous terre attendaient sagement d’être ramassées. Bref, une belle saison s’annonçait…. Au retour, à la maison, il pleuvait toujours, la pluie était par moment intense (mais ce n’est pas la première ni la dernière fois). Les enfants couchés, nous sommes parti voir le site VIGICRUES pour voir le niveau de la Nive ( notre fameuse voisine). Elle avait monté mais son niveau n’était pas inquiétant. Pourtant, j’avais un pré-sentiment que la Nive allait monter encore. De combien? Là, c’est dame nature qui a les cartes en mains. Durant la nuit, j’ai, nous avons entendu la pluie, la pluie et la pluie plus ou moins intense. Je suis partie voir le site à nouveau à l’ordinateur pendant la nuit (5h30 je pense) et je constatais qu’elle continuait à monter régulièrement. Eric me disait qu’il fallait attendre que le jour se lève pour mieux voir et pour monter notre matériel si besoin si çà continuait. 6h30, j’avais la boule au ventre et enfin, Eric est parti voir sur place , voir la serre, la Nive. A son retour, il a décidé que nous allions surélever, attacher le matériel pour si au cas où la Nive quitterait son lit. Entretemps , Jean-Michel un employé d’EDF (qui gère les barrages d’Itxassou, Banca, Halsou, Orthez) nous appelait pour nous dire qu’en haut dans les montagnes (Aldudes, Arbailles), il avait énormément plu et que la Nive sortirait et que nous aurions les pieds dans l’eau sûrement. Très vite (7h30), la crèche de ma fille m’appelait. Une sortie avec cette structure était prévue ce vendredi 4 juillet et elle était annulée car des employées de la crèche qui venaient de St Jean le Vieux ne pouvaient plus venir à cause de glissements de terrains (sols saturés). La radio, ce matin là à 7h, annonçait que les hauteurs du Pays Basque avaient connu des trombes d’eau et que Mauléon et St Palais étaient inondés. Le temps de caser les enfants, j’ai retrouvé Eric et notre ami André pour surélever ce qui devait l’être à 80cm, 1m, attacher le matériel….André a travaillé pour EDF et a vécu à côté (une maison détruite depuis) de la centrale d’Halsou pendant 28 ans. Il en a connu des crues HIVERNALES (1981-2003-2009…) ! Quand nous l’avions appelé ce jour-là, il était loin de penser comme nous que l’eau allait monter aussi vite et aussi haut. Il était venu pour nous aider, pour nous tranquilliser mais il ne pensait pas que la Nive allait déborder car il n’avait pas tant plu ici. Faut-il le rappeler? Nous étions en juillet, en été et non en hiver, en pleine saison, les coefficients de marées n’étaient pas les plus hauts, nous n’avions pas eu de longs épisodes pluvieux les jours précédents, pas d’alerte orange prévue… Eric était parti voir les artisans de la zone artisanale et avait appelé les voisins proches de notre serre. Dans un premier temps, ils étaient ahuris, ne nous croyaient pas, nous nous alarmions pour rien ?!… Nous rehaussions donc le matériel ( à ce moment , je n’avais que la serre pour stocker, pas d’autre bâtiment). Au moment où j’étais affairé dans mon cabanon (qui était mon petit magasin), mon père m’appelait inquiet à 9h05 environ. Il habite à côté de St Palais. Il me racontait que La Bidouze était affreusement haute qu’il n’avait jamais vu çà. Il voulait savoir si çà allait et qu’il allait venir si besoin pour surélever. Je lui ai dit que la Nive n’était pas sortie mais que nous faisions le nécessaire, qu’il n’avait pas tant plu que çà ici. Une fois raccrochée, j’ai vérifié que tout était en hauteur dans mon cabanon (9h15) et j’ai fermé sa porte, sans le savoir, pour la dernière fois. J’étais repartie à la serre pour relever toujours, je voulais enlever les malles contenant ma poudre de piment. Eric ne voulait pas car elles étaient à plus d’un mètre, je n’étais pas rassurée. Tout d’un coup, j’ai remarqué que l’eau commençait à rentrer par dessous les bavettes de la serre comme une petite vague, lentement mais par contre elle ne repartait pas en arrière! J’ai enlevé ma voiture pour la mettre à l’abri « un peu plus haut » au niveau de mon voisin peintre. J’étais revenue en courant jusqu’à la serre et là je voyais que le ruisseau d’à côté était sorti, que l’eau sortait du canal. Arrivée à la serre, Eric m’a dit de mettre de suite la voiture au parking de l’église ( bien plus haut), entretemps l’eau était montée à 5 cm au moins autour de nous. Elle montait, montait si vite! J’ai mis la voiture plus haut au niveau de l’église et ensuite, je n’ai pu que rester au bord de la route (au passage à niveau) , impuissante, à observer cette crue rapide et violente qui emportait tout, qui m’emportait mon travail. Mes 11 ans d’installation, hop d’un coup, détruits !
Retour à la case départ, mais là pour repartir, j’avais les ailes brisées…Quand l’eau est partie que la Nive est revenue à son état normal, j’ai à nouveau été secouée, emportée par une Nouvelle Vague Puissante mais cette fois-ci belle…. : LA SOLIDARITÉ ! Je comptais tout arrêter car là c’était la chose de trop. La peur de l’avenir et d’une nouvelle inondation, l’incapacité de remonter, le dégout, la sensation de vide, l’abasourdissement…. tout çà faisait que là je décidais de capituler. Mais là, des clients, la famille, des amis, des personnes que je connaissais pas, des voisins, les conseillers municipaux d’Halsou, le maire, mes fournisseurs (machines, serre, plants, mon assurance…), un réseau d’AMAP, quelques producteurs de piment sont venus (pendant une semaine 30 à 10 personnes!) pour nettoyer ce qui devait l’être, récupérer mon matériel disséminé dans la nature ( jusqu’à 2.5km!!), nettoyer mes parcelles et mes tomates (celles qui restaient), récolter la pomme de terre pas emportée, remonter la serre, enlever les arbres, des portails, les milliers de gants en plastiques et les centaines de perfusions ( qui venaient d’un centre de Cambo je pense). Cet élan de solidarité et de générosité faisait que je n’avais pas le droit de m’arrêter là maintenant. 2014 a été pour moi une année très intense professionnellement. En 2014, j’avais touché le haut en ayant la médaille d’or au piment d’Espelette en février et j’ai touché le fond avec l’inondation du 4 juillet. Mais, je suis repartie pour un tour… J’avais la santé, ma jolie petite famille était là le soir à ma maison et pour moi, rien n’est plus important.
Au final, nous continuons mais différemment car nous cultivons des parcelles proches de la Nive et 2 petites en hauteur, nous avons fait un bâtiment de stockage plus en hauteur….La Nive , je trouve monte différemment maintenant, plus vite. Elle n’a pas été nettoyée au fond comme on le fait pour une rigole qui commence à se boucher. Cette Nive ce jour là avait dévasté des fermes, des maisons, des entrepôts, des entreprises et elle en a emporté des choses . Désormais, elles sont disséminées au fond de ce cours d’eau. Je pense çà comme d’autres riverains mais bon c’est comme çà…..
photo que j’ai prise à 10h02
à 10h03
à 10h04
à 10h05
à 10h05
à 10h05
à 10h33
à 11h33, une voiture emportée par les eaux. Un homme est en train d’être hélitroyé , en face de la zone artisanale, l’hélicoptère est au dessus. Il a été sauvé
à 11h03, le cabanon a été emporté
à 11h14, la Nive continue de monter
à 11h58, ma serre en bas
…. la décrue 15h52
à 15h52, devant la route devant ma serre
Article sud ouest 7/07/14 … après les crues « surprise
( n°1) PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES communiqué de presse 4 juillet 2014
( n°2) PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES communiqué de presse 4 juillet 2014
( n°3) PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES communiqué de presse 4 juillet 2014
( n°4) PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES communiqué de presse 4 juillet 2014
Vidéo crue Ustaritz, Halsou (décrue enclenchée)
« L’eau est montée de 4 mètres en deux heures »
http://www.c-prim.org/documentation/dossiers-th%C3%A9matiques/comprendre/
Un grand élan de solidarité (Halsou)
En 1913, une crue centennale avait touché également le pays basque:
crue centennale du 2 juin 1913
